vendredi, octobre 30, 2009

A un an des élections, Lula gouverne plus à gauche

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BRÉSIL Vendredi30 octobre 2009

A un an des élections, Lula gouverne plus à gauche

PAR JEAN-CLAUDE PÉCLET
Le président, qui doit passer la main en octobre 2010, n’est pas sûr de voir sa favorite Dilma Rousseff lui succéder. D’où sa hâte à cadrer l’usage public des futurs pétrodollars

A un an des élections qui désigneront son successeur, Luiz Inacio Lula da Silva donne à ses récentes décisions et à ses discours un tour plus nationaliste et interventionniste.

La mesure la plus importante, annoncée le 31 août, est débattue au Congrès. Elle donne à la compagnie Petrobras un rôle central dans la mise en valeur des énormes réserves sous-marines de pétrole découvertes depuis 2007 au large des côtes. Celles-ci pourraient propulser le Brésil parmi les cinq premiers producteurs mondiaux d’ici à quinze ans.

Crainte d’une bureaucratie

Situées sous 2000 mètres d’eau et 5000 mètres de roche, de sable et de sel, ces réserves estimées à 50 milliards de barils ne feront pas l’objet de concessions, comme les champs pétrolifères actuels, mais seront exploitées par Petrobras, qui prendra une participation d’au moins 30% dans les consortiums créés à cet effet. La moitié du pétrole pompé sera commercialisé par l’Etat. Le reste sera réparti entre Petrobras et ses partenaires. Une nouvelle compagnie publique, Petrosal, représentera les intérêts du gouvernement dans chaque bloc exploré. Enfin, un fonds public, sur le modèle de celui existant en Norvège, investira les milliards de dollars ainsi récoltés dans des projets d’intérêt général (éducation, infrastructures, innovation, etc.).

L’industrie fait la grimace. «Les opportunités se sont réduites au Brésil», a déclaré le patron de Chevron, George Kirkland. Certains craignent un monstre bureaucratique inefficace, comme Petrobras l’était avant que la majorité de son capital soit privatisée en 1997. Un autre souci est le gonflement du budget public, qui représente déjà 36% du PIB brésilien.

Ces reproches n’ébranlent pas Mauricio Tolmasquim, président de la Compagnie de recherche énergétique, dépendant du Ministère des mines et de l’énergie: «Nous avons vérifié que ce projet soit attractif, conforme aux intérêts internationaux, et avons décidé qu’il l’était.» Et de rappeler que si en 1970 1% des réserves mondiales de pétrole étaient en mains publiques, 77% le sont aujourd’hui.

Procédure d’urgence

Mais qui doit profiter de cette manne? Brasilia veut centraliser les recettes pour en faire bénéficier l’ensemble du pays, tandis que les trois Etats côtiers près desquels les réserves ont été découvertes désirent conserver la part du lion. Le parlement brésilien, qui en discute, n’est pas réputé pour ses décisions rapides, d’où la procédure d’urgence actionnée par le gouvernement. Celui-ci souhaite que les lois soient sous toit avant l’été 2010.

Une seconde mesure, plus conjoncturelle, a froissé les investisseurs étrangers: c’est la décision, annoncée la semaine dernière, d’imposer une taxe de 2% sur les entrées de capitaux. Il faut dire que la surchauffe guette le Brésil, plus prompt que d’autres à se relever de la crise. Le real s’est apprécié d’un tiers face au dollar en 2009 – la plus forte progression des 16 monnaies mondiales les plus traitées. Les réserves de change (233 milliards de dollars) dépassent le montant de la dette, et 35 milliards de dollars de capitaux étrangers se sont rués au Brésil en un an.

Ces «problèmes» sont de ceux que d’autres pays aimeraient bien avoir: une économie solide qui a créé 1,1 million d’emplois cette année, limite le taux de chômage officiel à 7,7%, où le niveau de confiance des consommateurs et entrepreneurs a dépassé en octobre celui d’avant la crise… Dans ces conditions, la taxe de 2% jouit du soutien populaire et dissuade peu les investisseurs.

Sûr de lui, Luiz Inacio Lula da Silva en fait-il trop? Récemment, il reprochait au géant minier Vale, privatisé en 1997, de ne pas créer assez de valeur ajoutée au Brésil. Roger Agnelli, directeur général de la société, s’est empressé de répondre que celle-ci dépensera deux tiers de son budget d’investissement 2010 dans le pays.

«Populisme de chéquier»

«Lula vire nettement à gauche», écrit Mac Margolis dans Newsweek, lui reprochant son «populisme de chéquier»: augmentation des salaires des fonctionnaires et des retraites. Par le passé, le président a montré qu’il savait naviguer au centre, en réaliste. Dans la campagne électorale qui commence, l’enjeu est différent: il doit pousser sa candidate Dilma Rousseff, moins charismatique que lui, face au maire de São Paulo José Serra (centre droit), favori.

Et dans l’hypothèse d’une victoire de José Serra, Lula veut cadrer l’usage de la future manne pé trolière avant le changement de pouvoir.

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