Rio 2016: le centre du monde s’est déplacé
Le succès de la candidature de Rio de Janeiro pour l’attribution des JO 2016 a été accueilli, en Europe, avec une condescendance qui révèle notre ignorance de la puissance économique, du dynamisme et aussi des mentalités de la société brésilienne
Au soir de l’attribution des Jeux olympiques 2016 à la ville de Rio de Janeiro, le présentateur d’un journal télévisé français a annoncé qu’ils allaient pour la première fois à un pays émergent. Ce présentateur avait peut-être oublié les JO de Mexico en 1968 ou tenu compte du fait que l’expression n’avait pas encore été inventée il y a plus de quarante ans. Il a surtout oublié que le Brésil, aussi éloigné géographiquement soit-il du territoire européen, n’est plus un pays émergent mais un pays émergé.
Après avoir souligné l’étendue de la victoire de Rio sur la ville de Chicago, éliminée au premier tour malgré le soutien de Barack Obama, un géostratège a affirmé que c’était un cadeau fait à l’Amérique du Sud. Il y a quelques années, quand la ville de Londres a obtenu l’organisation des JO 2012, personne n’a eu l’idée saugrenue de dire que c’était un cadeau pour l’Europe. Au demeurant, les Brésiliens n’ont pas considéré qu’ils sollicitaient un cadeau, même en déposant leur dossier, même pendant la campagne électorale qui a précédé la réunion du CIO. S’ils n’allaient pas jusqu’à dire qu’ils considéraient les JO comme un dû, certains le pensaient tout bas.
Avant l’élection, beaucoup d’individus plus ou moins intéressés, c’est-à-dire plus ou moins proches de la concurrence, ont fait état de la violence qui règne à Rio de Janeiro dont les statistiques criminelles sont impressionnantes. Or la violence, en tout cas aux yeux de qui y passe suffisamment de temps pour se faire une idée personnelle, est surtout visible du fait de l’organisation urbaine. Si elle indique que l’Etat de droit n’est pas installé dans le moindre recoin du territoire, elle est généralement jugulée dans les grandes circonstances et elle est moins pesante dans la vie quotidienne de la ville que ne le disent la presse brésilienne et les cariocas eux-mêmes.
Les analyses qui ont accompagné l’élection olympique rappellent que nous regardons encore le reste du monde avec une certaine condescendance, surtout quand il s’agit de son économie et de sa capacité d’organisation, surtout quand nous ignorons ce qui s’y passe. Parce que nous avons conservé l’habitude de nous prendre nous-mêmes comme exemple ou que nous ne voulons pas nous avouer que le monde a changé, que nous n’y occupons plus la place qui était la nôtre autrefois.
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