AMÉRIQUE LATINE Mardi27 janvier 2009
Nouvelle Consitution dans une Bolivie divisée
PAR VINCENT TAILLEFUMIER, BOGOTA
Le référendum a été accepté par trois électeurs sur cinq. L’opposition convervatrice appelle à la «désobéissance».
Dès les premières projections, dimanche soir, Evo Morales s’est présenté, triomphal, au balcon du Palais présidentiel. «Nous avons mis fin à l’Etat colonial», a lancé le président socialiste bolivien. Les enquêtes de sortie d’urnes prévoyaient l’approbation de la Constitution pro-indienne et sociale par 56 à 63% des voix, lors du référendum qui venait de se dérouler sans anicroche.
Devant les milliers de partisans qui brandissaient le drapeau indien à damier coloré, le chef de l’Etat aymara pouvait proclamer la victoire de sa «révolution pacifique et démocratique». Par le nouveau texte, les 36 «nations originelles» et les neuf départements du pays doivent obtenir des pouvoirs étendus, des programmes sociaux être pérennisés, le latifundio être limité à 5000 hectares, et l’Etat voir son poids dans l’économie renforcé.
Mais à 400 kilomètres de là, d’autres slogans résonnaient sous les fenêtres de la préfecture de Sucre, ville bastion de l’opposition. Au cri de «désobéissance!», l’élue régionale, Savina Cuellar, elle aussi au balcon, appelait les électeurs à rejeter la nouvelle Constitution. Dans sa ville, comme dans quatre départements menés par les conservateurs, le non l’aurait emporté.
Les dirigeants opposants, pour beaucoup issus d’une élite de grands propriétaires, avaient bien accepté en octobre d’aller aux urnes, en échange de la modification de plus du quart du projet de Constitution. Mais hier, comme Savina Cuellar, ils se valaient de leurs victoires locales pour exiger la «conciliation» d’un nouveau texte.
C’est un nouveau bras de fer qui s’annonce pour ls pouvoir, après une année 2008 déjà marquée par une guérilla juridico-légale et des heurts meurtriers entre manifestants. L’opposition, concentrée dans une «demi-lune» orientale riche en agro-industrie et en gisements de gaz, veut faire appliquer à marche forcée des textes d’autonomie, approuvés l’an dernier lors de référendums régionaux jugés «illégaux» par les autorités. Selon le dirigeant conservateur Ruben Costas, ces projets – contrairement aux «fausses autonomies» que propose la nouvelle Constitution – permettraient de s’émanciper de la tutelle indienne et socialiste du pouvoir central. Pour prévenir l’incendie, le ministre Hector Arce a appelé les opposants à se concerter rapidement pour trouver un régime commun pour les départements.
Dans ce tête-à-tête tendu, Evo Morales a reçu hier le renfort d’une mission d’observateurs électoraux du Mercosur, qui rassemble les pays de la région autour de l’Argentine et du Brésil. L’organisation a salué des «élections exemplaires» et espéré que les résultats soient respectés par «tous les Boliviens».
Fort de cette légitimité, le vice-président, Alvaro Garcia, qui dénonce le «tribalisme électoral» des conservateurs, menace de faire appliquer la Constitution par décret si le Sénat, où l’opposition est majoritaire, tentait de la bloquer. L’épreuve du feu se déroulera avant avril, avec le vote d’un nouveau code électoral pour les élections générales de décembre prochain. Les élus devront décider du poids des circonscriptions indiennes dans le futur parlement «multiculturel», sans doute décisif pour donner aux partisans du président Morales la majorité absolue qui leur a cruellement manqué jusqu’ici.
Chute des cours du gaz
En même temps, le gouvernement doit affronter un autre adversaire implacable: la chute des cours du gaz, sa principale source de revenus, accompagnée d’une possible baisse des commandes de son puissant client brésilien. Des moyens en moins pour financer les très populaires programmes d’aide sociale et continuer à récolter des acclamations sous les balcons de la présidence.
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