samedi, janvier 24, 2009

«Nous avons une dette historique envers les peuples indigènes»

    PROPOS RECUEILLIS PAR BPN    

Solidarité
Il n'a pas hésité, en avril dernier, à affronter directement les propriétaires terriens, quitte à essuyer leurs tirs. Et il n'a pas attendu que la Constitution inscrive dans le marbre les principes de la réforme agraire pour aller de l'avant. Avec ses lunettes à monture noire et sa barbe de jeune révolutionnaire, le vice-ministre des Terres, Alejandro Almaraz, incarne bien ce processus impulsé par le gouvernement. 


Etes-vous satisfait du cours de la réforme agraire?

Très satisfait. En trois ans, nous avons assaini1 18,3millions d'hectares (ha), soit deux fois plus que ce qui avait été réalisé depuis 1996. Et surtout, ce processus bénéficie enfin aux communautés. Sept millions d'hectares ont ainsi été remis aux peuples indigènes en Terres communautaires d'origine (TCO), et plus de 2,3millions aux communautés paysannes. 


Au détriment des entreprises privées?

Non, 600000 ha ont été titularisées à des petites entreprises et plus de 900 000 ha aux moyennes et grandes. Cela montre qu'il ne s'agit pas, contrairement à ce que prétend l'opposition, d'une réforme anti-démocratique, qui exproprie les privés. Au contraire, nous leur offrons la sécurité juridique. 


Où en est le processus d'assainissement?

Vingt-sept millions d'hectares sont assainis, mais la Bolivie en compte 106... J'estime qu'il nous faudra encore cinq ans pour arriver au terme du processus. L'an dernier, nous avons pu déclarer un premier département entièrement assaini, celui de Pando, qui compte 6,5millions d'ha. Avant, les communautés indigènes n'y avaient pratiquement aucun droit sur la terre, désormais elles sont titulaires de 2,5millions d'hectares, dont 500 ha attribué à chaque famille . 


D'où proviennent ces terres redistribuées?

Ce sont les terres qui étaient inexploitées, qui ne répondaient pas à la fonction économique et sociale. Je vous donne un exemple. Dans le département de Pando, une famille réclamait 300000 ha. Or l'étude sur le terrain a montré que seul 1% de cette surface répondait à la fonction économique et sociale. Et seul ce pour-cent a donc été titularisé... 


Qu'est-ce que la fonction économique et sociale?

C'est un principe fondamental qui est inscrit pour la première fois dans le marbre de la Constitution! Une terre qui n'est pas exploitée ou qui l'est mais au travers de la survivance de l'esclavage ne remplit pas la fonction économique dans le premier cas et la fonction sociale dans le second. Elle est alors expropriée, sans indemnisation, et l'Etat se charge de la redistribuer, par exemple à ceux qui la travaillent, à des communautés soumises à un maître. 


C'est le cas de l'Alto Parapeti...

Oui, et l'année 2009 sera celle de la libération du peuple guarani et de la fin de l'esclavage! Il y a eu une résistance de la part de quelques propriétaires terriens, qui ont même pris les armes contre nous l'an dernier, et qui s'opposent à la fin de leurs privilèges insensés, à cette accaparement inadmissible de dizaines de milliers d'hectares. Ils étaient appuyés par l'oligarchie conservatrice de Santa Cruz et par les mouvements séparatistes et autonomistes. Mais cette droite extrémiste et raciste a été défaite, et les propriétaires terriens avec elle. La redistribution de terres dans cette région est désormais imminente... 


La Constitution ne fait-elle pas la part trop belle aux peuples indigènes?

Non, nous avons une dette historique à payer, celle de l'humiliation de communautés qui formaient ce pays avant la conquête espagnole, et qui ont souffert de siècles d'exploitation et de discrimination... 


Qu'apporte encore la nouvelle Constitution?

Elle renforce la gestion communautaire de la terre. Ici, en Bolivie, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'une utopie, comme le pense la droite et une partie de la gauche. Ce système a pour but le bien commun, tout en respectant l'individu. Il est harmonieux. 
Note : 1L'assainissement consiste à vérifier la validité du titre de propriété et la légalité de l'exploitation puis à redistribuer les terres saisies..

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