«La venue de Lula est un signe fort»
Paru le Mercredi 28 Janvier 2009
Il aura fallu que s'ébroue la manif estation d'ouverture (lire ci-dessus) du Forum social mondial (FSM) pour que Belém prenne réellement conscience de la dimension de cette rencontre internationale. A la veille de l'événement, les mouvements sociaux brésiliens, eux, ne cachaient pas leurs fortes attentes. «C'est un moment historique pour nous», s'exclame Carmen Helena Foro, dirigeante nationale du Syndicat des travailleurs ruraux du Brésil et vice-présidente de la Centrale unique des travailleurs (CUT). Cette organisation, traditionnellement proche du Parti des travailleurs de Lula, est la principale confédération du pays, avec 3299 syndicats affiliés et 28millions de membres. Carmen Helena Foro, âgée de 42ans, originaire des environs de Belém, est venue dans sa ville pour participer à cette édition du FSM.
La venue de Lula, jeudi à Belém, pour participer avec quatre autres présidents de la région –Hugo Chávez (Venezuela), Evo Morales (Bolivie), Fernando Lugo (Paraguay) et Rafael Correa (Equateur)– peut-elle être comprise comme une tentative de reconquérir la sympathie des mouvements sociaux brésiliens?
Carmen Helena Foro: Je ne partage pas cette hypothèse. Malgré nos sérieuses critiques envers son gouvernement, Lula n'a jamais cessé de venir à Belém durant ces années. D'autre part, il a maintenu la communication et le dialogue avec les mouvements sociaux. Il n'a pas besoin de profiter d'un forum pour rétablir une relation, qui reste ouverte et active. Je pense néanmoins que la visite de Lula, cette semaine, dans le cadre du FSM est un signe fort adressé à tous les secteurs politiques et économiques du pays et aux acteurs sociaux qui arrivent du monde entier.
C'est-à-dire...
L'Amazonie est aujourd'hui l'une des régions les plus complexes et les plus contradictoires du Brésil. D'une part, elle subit de graves atteintes environnementales, avec une forte présence d'entreprises nationales et de multinationales, qui en sont responsables. Et, en même temps, y existent des mouvements sociaux actifs qui cherchent des alternatives, s'organisent et se mobilisent Cette réalité définit un contexte où la présence et la parole de Lula peuvent être très importantes. D'autre part, Lula vient à Belém pour apporter son appui à ce grand projet mondial qui préconise la construction d'un autre monde possible.
Belém rassemble ces jours les représentants de la société civile latino-américaine et mondiale. Quel est réellement aujourd'hui l'état des relations entre les syndicats brésiliens et leurs collègues du continent? Et, plus généralement, entre les mouvements latino-américains?
Bien qu'ils se soient renforcés, ces contacts ne convergent pas encore dans une pratique systématique commune. En cette étape historique que traverse l'Amérique latine, nous devons faire un pas en avant substantiel du point de vue de l'intégration régionale. Des propositions d'intégration économique et commerciale existent, mais elles manquent parfois de clarté en matière sociale. Il est essentiel de ne jamais baisser la pression sur nos gouvernants pour trouver chaque jour des réponses plus claires, rapides et effectives sur les thèmes essentiels que sont l'augmentation de la faim, la précarisation du travail et des travailleurs, la réponse à la crise financière et économique, l'environnement, etc. Le moment est essentiel, et les défis que nous devons affronter le sont tout autant. Les attentes de notre base sont énormes.
En ce sens, que signifie et que peut apporter cette session du FSM?
Ce sera un moment grandiose de rencontre entre les mouvements sociaux et pour avancer davantage dans le processus de résistance des travailleurs, une opportunité unique de communication entre les peuples, la possibilité de clarifier et d'impulser avec plus d'énergie les réalisations sociales et populaires. De plus, c'est un espace privilégié pour que les femmes continuent à construire ensemble nos propositions, nos réseaux et nos projets.
Le forum intervient toutefois en un moment de crise pour lessyndicats brésiliens.
La structure productive du pays a beaucoup changé ces dernières décennies. Cela implique aussi, comme dans une grande partie du monde et de l'Amérique latine, la nécessité d'une recomposition du mouvement syndical. Dans notre cas, il y a quelques mois, un courant interne de notre organisation a quitté la CUT en raison de divergences organisationnelles et politiques. Néanmoins, il serait injuste de parler de crise, spécialement par rapport à l'objectif essentiel du programme de notre organisation: la défense de la dignité et des conditions de vie des travailleurs. Cela continue d'être un pilier non négociable de notre organisation.
Depuis 2003, un ex-syndicaliste et dirigeant de la CUT est à la tête duBrésil. L'ère Lula aura-t-elle été favorable au travail syndical?
Cela nous a surtout obligés à certaines réorientations. Lors de l'arrivée de Lula à la présidence, nous vivions une étape difficile. Néanmoins, nous sommes parvenus à conserver notre indépendance et sommes très critiques sur certains points clefs de sa gestion de Lula. Pour sa part, il a préservé –je crois avec la majorité des mouvements sociaux brésiliens– un espace permanent de dialogue. C'est très positif.
Quelles critiques formulez-vous?
Particulièrement, sur la lenteur de la réforme agraire, laquelle est une revendication très importante pour de larges secteurs sociaux du Brésil. Son avancée durant le gouvernement de Lula laisse beaucoup à désirer. Cette critique claire est sans aucun doute un point de consensus pour tous les mouvements sociaux de mon pays
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