Karl Marx contre Simon Bolivar
Le Venezuela discute âprement cet automne de la nouvelle loi sur l’éducation passée à la mi août par le président. De nombreux articles de ce texte prêtent à la controverse, notamment ceux qui restreignent les libertés scolaires, académiques et médiatiques
Le Venezuela discute âprement cet automne de la nouvelle loi sur l’éducation passée à la mi-août par le président. De nombreux articles de ce texte prêtent à la controverse, notamment ceux qui restreignent les libertés scolaires, académiques et médiatiques. Des doutes s’expriment également sur l’idéologie de cette loi qui confie à «l’Etat éducateur» (estado docente) la tâche d’inculquer aux futures élites du pays «la doctrine de notre libérateur Bolivar», dont Hugo Chavez
se proclame l’héritier et le continuateur.
Karl Marx se retourne dans sa tombe. Bolivar, saint patron du président vénézuélien, figure en effet sur sa liste des imposteurs à éliminer de la scène révolutionnaire: il n’a pas gagné les batailles contre les Espagnols que lui attribue la légende, il n’a pas libéré le peuple sud-américain mais l’a au contraire tyrannisé et trompé, il a cueilli indûment une gloire qu’il n’a pas méritée. Karl Marx a écrit cela avec rage sur vingt pages en 1858 dans un article alimentaire commandé par les éditeurs de la nouvelle encyclopédie américaine, A Popular Dictionary of General Knowledge, sous le titre «Bolivar y Ponte». Quand Marx prend la plume, le Libertador est mort depuis 28 ans, son idéalisation romantique est en place. Bolivar est devenu un mythe, le premier de la décolonisation. Il figure le peuple uni contre l’oppresseur «étranger». Il est l’agent d’une histoire héroïque qui donne son identité à tout un continent. Sa vie s’écrit comme celle des saints car elle est pareillement utile à l’édification des masses.
Karl Marx n’a que mépris pour ce genre de personnage: «La puissance fabulatrice de l’imagination populaire s’est révélée à toutes les époques dans l’invention des «grands hommes». L’exemple le plus frappant à cet égard est sans conteste Simon Bolivar», écrit-il.
L’entrée de Simon Bolivar dans le mouvement révolutionnaire qui éclate à Caracas en 1810, Marx la décrit comme tardive et forcée par son cousin, José Felix Rivas.
Sa première bataille, à la tête
de la citadelle qui tient la route
de Caracas, Marx affirme qu’il choisit de la fuir au lieu de la mener, de sorte que les Espagnols ont la voie libre et reprennent le contrôle du Venezuela, obligeant le général Francisco Miranda à capituler. Miranda est le précurseur
de l’indépendance. C’est lui qui
a confié la citadelle de Puerto Cabello à Bolivar. Mais, dit Marx, c’est lui que Bolivar accusera de trahison et livrera, enchaîné, aux Espagnols, en échange d’un passeport délivré «pour service au roi d’Espagne».
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