jeudi, septembre 24, 2009

Le Brésil monte en puissance

MÉRIQUE LATINE Jeudi24 septembre 2009

Le Brésil monte en puissance

Le président Luiz Inacio Lula da Silva. (AFP)

Le président Luiz Inacio Lula da Silva. (AFP)

Le président Luis Inacio Lula da Silva donne de la voix dans la crise hondurienne. Depuis quatre ans, sa diplomatie «Sud-Sud» gagne en intensité

Quand Manuel Zelaya a été expulsé du Honduras sous la menace des fusils le 28 juin, peu de chefs d’Etat l’ont soutenu avec autant de verve que son ami et mentor Hugo Chavez, qui parlait d’envoyer ses troupes contre les putschistes. Mais quand Manuel Zelaya est revenu en catimini lundi à Tegucigalpa, ce n’est pas à l’ambassade du Venezuela qu’il s’est réfugié, mais à celle du Brésil.

«Arbitre de la crise»

Et mercredi, tandis que le président par intérim du Honduras Roberto Micheletti, visiblement embarrassé, se disait «prêt à dialoguer avec monsieur Zelaya pour autant qu’il accepte explicitement l’élection présidentielle» prévue pour le 29 novembre, c’est Luiz Inacio Lula da Silva qui a exigé devant l’Assemblée des Nations unies que son homologue hondurien déchu soit immédiatement rétabli dans ses fonctions.

«Demander asile au Brésil montre que Zelaya considère cet Etat comme l’arbitre de la crise – et non les Etats-Unis ou le Costa Rica (ndlr: dont le président Oscar Arias intervient comme médiateur). Il joue son va-tout sur le pays en qui il croit le plus pour lui rendre sa place. C’est la preuve tangible d’un glissement de pouvoir dans la région», dit Eric Farnsworth, du bureau de consultants Conseil des Amériques, cité par le Christian Science Monitor.

Le président Lula lui-même déclarait récemment à l’AFP: «Je pense que le Brésil va devenir une grande puissance au XXIe siècle.» Il serre la main de Gordon Brown, Nicolas Sarkozy et d’Elisabeth II – entre autres. Au G20 de Londres début avril, Barack Obama l’a affectueusement apostrophé d’un «My man»!

Mais plus qu’au nord, c’est dans l’hémisphère Sud qu’il tisse sa toile. «Aero-Lula», comme l’a surnommé ironiquement la presse brésilienne, a visité 45 pays ces trente derniers mois. Brasilia a ouvert 35 nouvelles ambassades depuis 2003, la plupart en Afrique et dans les Caraïbes. Si son budget militaire reste modeste (1,5% du produit intérieur brut, quatre fois moins en proportion que celui de la Chine), le Brésil a récolté des louanges pour sa mission de maintien de la paix à Haïti. Lula affirme d’ailleurs que le rôle de son pays est celui «d’un conciliateur et d’un pacificateur».

jeudi, septembre 17, 2009

Karl Marx contre Simon Bolivar

Karl Marx contre Simon Bolivar

Simon Bolivar: une gloire totalement injustifiée, selon Karl Marx.

Simon Bolivar: une gloire totalement injustifiée, selon Karl Marx.

Le Venezuela discute âprement cet automne de la nouvelle loi sur l’éducation passée à la mi août par le président. De nombreux articles de ce texte prêtent à la controverse, notamment ceux qui restreignent les libertés scolaires, académiques et médiatiques

Le Venezuela discute âprement cet automne de la nouvelle loi sur l’éducation passée à la mi-août par le président. De nombreux articles de ce texte prêtent à la controverse, notamment ceux qui restreignent les libertés scolaires, académiques et médiatiques. Des doutes s’expriment également sur l’idéologie de cette loi qui confie à «l’Etat éducateur» (estado docente) la tâche d’inculquer aux futures élites du pays «la doctrine de notre libérateur Bolivar», dont Hugo Chavez
se proclame l’héritier et le continuateur.

Karl Marx se retourne dans sa tombe. Bolivar, saint patron du président vénézuélien, figure en effet sur sa liste des imposteurs à éliminer de la scène révolutionnaire: il n’a pas gagné les batailles contre les Espagnols que lui attribue la légende, il n’a pas libéré le peuple sud-américain mais l’a au contraire tyrannisé et trompé, il a cueilli indûment une gloire qu’il n’a pas méritée. Karl Marx a écrit cela avec rage sur vingt pages en 1858 dans un article alimentaire commandé par les éditeurs de la nouvelle encyclopédie américaine, A Popular Dictionary of General Knowledge, sous le titre «Bolivar y Ponte». Quand Marx prend la plume, le Libertador est mort depuis 28 ans, son idéalisation romantique est en place. Bolivar est devenu un mythe, le premier de la décolonisation. Il figure le peuple uni contre l’oppresseur «étranger». Il est l’agent d’une histoire héroïque qui donne son identité à tout un continent. Sa vie s’écrit comme celle des saints car elle est pareillement utile à l’édification des masses.

Karl Marx n’a que mépris pour ce genre de personnage: «La puissance fabulatrice de l’imagination populaire s’est révélée à toutes les époques dans l’invention des «grands hommes». L’exemple le plus frappant à cet égard est sans conteste Simon Bolivar», écrit-il.

L’entrée de Simon Bolivar dans le mouvement révolutionnaire qui éclate à Caracas en 1810, Marx la décrit comme tardive et forcée par son cousin, José Felix Rivas.
Sa première bataille, à la tête
de la citadelle qui tient la route
de Caracas, Marx affirme qu’il choisit de la fuir au lieu de la mener, de sorte que les Espagnols ont la voie libre et reprennent le contrôle du Venezuela, obligeant le général Francisco Miranda à capituler. Miranda est le précurseur
de l’indépendance. C’est lui qui
a confié la citadelle de Puerto Cabello à Bolivar. Mais, dit Marx, c’est lui que Bolivar accusera de trahison et livrera, enchaîné, aux Espagnols, en échange d’un passeport délivré «pour service au roi d’Espagne».

samedi, septembre 12, 2009

vendredi, septembre 11, 2009

Marchandage d’Hugo Chavez à Moscou

USSIE Vendredi11 septembre 2009

Marchandage d’Hugo Chavez à Moscou

Le président vénézuélien reconnaît les deux républiques séparatistes géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud contre l’acquisition de matériel militaire

Et de trois. Après la Russie et le petit Nicaragua du président Daniel Ortega, le Venezuela reconnaît l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, dont l’autoproclamation de souveraineté, prononcée en août 2008, a été portée à bout de bras par la Russie. En visite à Moscou, le président Hugo Chavez a annoncé que Caracas allait «bientôt entamer les démarches pour établir des relations diplomatiques avec ces pays».

Objectif pragmatique

Il s’agit de la huitième visite du chef de l’Etat vénézuélien en Russie, alors que les relations sont au beau fixe entre Moscou et Caracas, qui plaident de concert pour un «monde multipolaire» qui serait affranchi de la domination américaine. Fidèle à son habitude, Hugo Chavez a profité d’un discours à l’Université moscovite de l’amitié entre les peuples pour dénoncer Washington et louanger le régime de Vladimir Poutine, «dont le grand héritage est d’avoir permis à la Russie de se relever». «L’empire yankee s’effondrera au cours de ce siècle», a également affirmé le chef de l’Etat vénézuélien.

Mais l’objectif principal de la visite d’Hugo Chavez à Moscou est plus pragmatique. Malgré des finances en berne, notamment en raison de la crise économique et de la baisse du prix du baril de pétrole, le régime prônant la révolution bolivarienne cherche à acquérir du matériel militaire, notamment des chars, que Moscou pourrait fournir à crédit. Tête de lance de l’opposition à Washington sur le continent américain, Hugo Chavez entend déployer au Venezuela un système militaire défensif en réponse à l’implantation par les Américains de bases militaires en Colombie voisine, dans le cadre de leur programme de lutte contre la production et le trafic de cocaïne dans la région.

Afin de satisfaire à la demande vénézuélienne, Moscou souhaiterait en contrepartie être impliqué davantage dans la prospection et l’exploitation pétrolières sur le territoire vénézuélien. A cet effet, les deux gouvernements ont notamment signé jeudi plusieurs ententes, prévoyant entre autres la création d’une entreprise commune d’ici à la fin de l’année.

mercredi, septembre 09, 2009

Chavez fait fermer les radios «putschistes»

Chavez fait fermer les radios «putschistes»

L’opposition perd des stations emblématiques et dénonce une mesure politique prise sous des prétextes administratifs. La télévision opposante Globovision est menacée de perdre sa licence

La clameur est montée de la foule, samedi, dans le centre de Caracas. «Fermez les médias putschistes!» Les partisans du président Hugo Chavez applaudissaient le bras droit du chef d’Etat «révolutionnaire»: Diosdado Cabello, ministre chargé des télécommunications, venait d’annoncer la prochaine fermeture de 29 nouvelles stations de radio. Joint par téléphone en Iran, Hugo Chavez s’est réjoui en direct.

Officiellement, les médias incriminés disparaîtront des ondes pour des «irrégularités» administratives détectées par leur organe de contrôle, Conatel, lors d’un recensement réalisé en juillet. L’organisme a frappé vite et fort: le mois dernier, un premier groupe de 32 radios et deux télévisions régionales a déjà été frappé d’interdit.

Globovision menacée

Parmi elles, les auditeurs opposants regrettent CNB, station dont la virulence anti-Chavez frayait régulièrement avec l’injure, et d’autres liées à des figures du centre droit. «Ce sont des décisions clairement politiques», protestait mardi le directeur de CNB, Nelson Belfort. Bien des radios affectées affirment avoir sollicité depuis dix ans à Conatel, en vain, les documents permettant de se mettre en règle.

«Nous ne faisons que démocratiser les ondes», s’est défendu samedi Diosdado Cabello – ses fonctionnaires affirment que 80% des stations étaient jusqu’ici contrôlées par 32 familles. Il s’est aussi attaqué à Globovision, chaîne d’information câblée opposante, qui rivalise de mauvaise foi avec ses concurrentes publiques «chavistes». Après avoir diffusé la semaine dernière en bandeau un message de texte d’un téléspectateur «appelant au putsch et à l’assassinat», selon le ministre, la chaîne est sous le coup d’une sixième procédure administrative, qui pourrait aboutir à sa suspension.

Applaudi à la Mostra

Pour le militant des droits de l’homme Carlos Correa, cette guerre aux médias de l’opposition «prépare le terrain avant les élections législatives de 2010», où la super-majorité parlementaire du président est menacée.

Après cinq ans de prospérité pétrolière, le pays a subi au deuxième trimestre une contraction de son PIB, et l’inflation est à plus de 23%. Le gouvernement est stigmatisé dans la lutte contre la corruption et la violence, l’emploi, le logement… Pour l’instant, la figure du Comandante n’est toujours pas affectée. Adulé par le cinéaste Oliver Stone, qui l’a fait applaudir à la Mostra de Venise après la projection d’un documentaire hagiographique, Hugo Chavez conserverait aussi l’estime de presque 60% de ses compatriotes. Mais l’opposition compte se mobiliser. Les prochains mois seront plus difficiles, pour Hugo Chavez, qu’une montée des marches à Venise.

lundi, septembre 07, 2009

La France réarme le Brésil

AMÉRIQUE LATINE Lundi7 septembre 2009

La France réarme le Brésil

Nicolas Sarkozy, en visite à Brasilia, a vendu des hélicoptères et des sous-marins à Lula. Ce dernier pourrait ajouter 36 avions de chasse Rafale à ses emplettes

Le Brésil doit sceller ce lundi avec la France un accord militaire présenté comme le plus important de son histoire récente. Les contrats que signeront les présidents Luiz Inacio Lula da Silva et Nicolas Sarkozy, arrivé dimanche à Brasilia, portent sur l’achat de cinquante hélicoptères de transport Cougar, de quatre sous-marins Scorpène, ainsi que de la carcasse d’un sous-marin à propulsion nucléaire. Le tout sera produit au Brésil même et coûtera au pays 8,5 milliards d’euros (près de 13 milliards de francs). «Un montant nettement supérieur aux achats d’armement russe faits par le Venezuela ou encore aux accords opérationnels entre les Etats-Unis et la Colombie», commentait dans son édition dominicale le quotidien Folha de São Paulo.

La France a décroché le gros lot en consentant à transférer sa technologie, une exigence du Brésil pour réduire sa dépendance aux importations d’armement. Pour la même raison, elle pourrait décrocher un autre fabuleux marché, de 4,2 milliards de francs celui-ci, pour l’acquisition de 36 avions de chasse par l’armée de l’air brésilienne. Celle-ci n’a pas encore tranché entre les Rafale de Dassault, les Gripen du suédois Saab et les F/A-18 Super Hornet, de l’américain Boeing, mais dans une entrevue, jeudi dernier à l’AFP, le président Lula n’a pas caché sa préférence pour les premiers.

Disette depuis la dictature

Ces achats d’armement interviennent dans le cadre d’un rééquipement et d’une modernisation de l’arsenal des forces armées brésiliennes, condamnées à la disette depuis la fin de la dictature militaire (1964-1985). Il ne s’agit pas que de protéger les énormes gisements de pétrole et de gaz découverts en haute mer ou d’éviter les incursions de narcotrafiquants et autres guérilleros en Amazonie. «Nous ne voulons attaquer personne mais dissuader les pays voisins de nous attaquer, analyse Geraldo Cavagnari, un expert du centre d’études stratégiques de l’Université de Campinas. Pour l’instant, il n’y a aucune menace concrète, mais le Brésil a tellement avancé ces dernières années que ça lui crée des ennemis parmi les pays pauvres de la région.»

mardi, septembre 01, 2009

Le Brésil veut accroître son rôle grâce au pétrole

Le Brésil veut accroître son rôle grâce au pétrole

Le président Lula édicte des règles pour l’exploitation des nouveaux gisements découverts par Petrobras, afin que le pays en retire le plus de bénéfices

«Ce lundi 31 août représente une nouvelle indépendance du Brésil.» Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (centre gauche) a joué à fond la fibre nationaliste quelques heures avant d’annoncer en grande pompe les nouvelles règles d’exploitation des réserves pétrolières potentiellement énormes découvertes ces deux dernières années au large de l’Atlantique par le géant pétrolier national Petrobras, à cinq à sept mille mètres de profondeur.

Objectif du nouveau modèle: «Accroître le rôle économique et géopolitique du Brésil», a martelé la ministre Dilma Rousseff, chef de cabinet de Lula, par le biais d’un renforcement du contrôle de l’Etat sur ces réserves.

Exclusivité

Ainsi, Petrobras sera l’opérateur exclusive des gisements, ce qui lui donne le contrôle de la production et de l’exploitation ainsi que l’accès à l’information stratégique. L’entreprise se voit également concéder une participation minimum de 30% dans les consortiums qui les exploiteront. Mais l’Etat pourra lui confier l’exploitation exclusive de tel ou tel gisement sans appel d’offres. De quoi déplaire aux multinationales qui convoitent ces réserves.

Le gouvernement introduit aussi le système dit de partage de la production: l’entreprise pétrolière qui offrira à l’Etat, non pas le meilleur prix pour une concession comme c’est le cas aujourd’hui, mais la plus grande part de pétrole extrait remportera l’appel d’offres pour exploiter tel ou tel gisement.

Pour Brasilia, ce système permettra à l’Etat de s’approprier une plus grande part de la manne pétrolière. Celle-ci sera déposée dans un Fonds social destiné à investir dans l’éducation et la lutte contre la pauvreté. L’idée est d’éviter également une flambée des exportations de pétrole qui pourrait survaloriser le réal brésilien et détruire ainsi l’industrie nationale.

Pour gérer ces réserves, le gouvernement propose la création de Petrosal, une nouvelle entreprise totalement publique, contrairement à Petrobras qui compte des actionnaires privés.

Le gouvernement justifie cette réforme par deux arguments: le potentiel des réserves serait gigantesque et le risque de ne pas y trouver du pétrole, nul. L’Etat serait donc en droit de réclamer une plus grande part du gâteau.