mardi, février 03, 2009

Sans terre en quête d’un nouvel élan

Le Temps

Allié historique du mouvement, le président Lula n’a pas été à la hauteur des espérances
Il y a vingt-cinq ans, le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) voyait le jour au Brésil dans les milieux de la gauche catholique et avec le soutien du courant progressiste de l’Eglise. Principal mouvement paysan du Brésil, le MST a définitivement inscrit la réforme agraire sur l’agenda politique dans un pays où le nombre de familles «sans terre» est estimé à 4,5 millions: paysans expulsés vers les villes par la modernisation de l’agriculture, métayers, petits agriculteurs dont la terre n’est pas assez grande pour suffire à leurs besoins.

Le Brésil est pourtant un pays immense mais, après le Paraguay, la concentration de la terre y est la plus forte au monde: 1% des propriétaires terriens détiennent quelque 46% des surfaces cultivables.

Le MST occupe des terres afin de pousser l’Etat à les redistribuer. Des dizaines de militants y ont laissé leur peau, tués sous les balles de la police ou de propriétaires terriens. Marina dos Santos, porte-parole du mouvement, défend ses méthodes controversées. Selon elle, plus de 70% des terres redistribuées l’ont été à la suite d’occupations: «Nous n’aurions pas eu ce résultat autour de tables de négociation.»

Mobilisation moindre

Mais le MST vit des temps difficiles. Depuis l’arrivée au pouvoir, il y a six ans, du leader de gauche Lula, le mouvement a de plus en plus de mal à mobiliser. Le nombre de familles ayant rejoint ou monté des «campements» (installations précaires le long des routes pour mettre l’Etat sous pression) a reculé de près de… 90% en 2007 par rapport à 2003.

Les spécialistes pointent la forte croissance économique de ces dernières années qui a relancé l’emploi et donc réduit, du moins provisoirement, la demande de terre. Egalement en cause: la «bourse famille», le principal programme social de Lula. Les bénéficiaires de cette aide en liquide – versée mensuellement à 11 millions de foyers démunis – seraient moins enclins à se mobiliser maintenant qu’ils disposent d’un moyen de subsistance.

Le MST avance une autre explication. Pour lui, les sans-terre abandonnent la lutte parce qu’ils ont perdu espoir d’obtenir un lopin. Et d’accuser le gouvernement d’avoir paralysé la réforme agraire. Le président Lula affirme pourtant avoir fait bien plus que ses prédécesseurs: il aurait distribué des terres à 520 000 familles – soit 52% du contingent total de celles ayant bénéficié jusqu’ici de la réforme agraire. Le MST conteste ce chiffre et parle de 163 000 familles, ajoutant que leur nombre annuel est en recul depuis 2007.

Pour le mouvement, Lula a changé de camp. Allié historique des sans-terre, du temps où il était encore dans l’opposition, l’ex-syndicaliste leur préférerait désormais l’agriculture industrielle, dont les exportations font rentrer des devises. Or l’expansion de cette activité, portée par la hausse de la demande mondiale, est accusée d’entraver la réforme agraire, mais devrait être freinée, espère le MST, par l’actuelle crise financière internationale.

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