mercredi, février 11, 2009

Hugo Chavez, déjà candidat pour 2012

Hugo Chavez, déjà candidat pour 2012

(Keystone)

(Keystone)

Au désespoir de l’opposition, le président a remporté par référendum le droit de se représenter à sa succession

Dimanche soir, le slogan a résonné une fois de plus dans les rues de Caracas: «Chavez ne s’en va pas!» L’opposition vénézuélienne espérait ne plus avoir à vivre les scènes qui ont suivi: des centaines de feux d’artifice zébrant la nuit moite, des concerts de klaxons de militants vêtus de rouge, et un Hugo Chavez, triomphant, entonnant l’hymne national depuis le «balcon du peuple», sur la façade du palais présidentiel. Sous les vivats, le président socialiste a salué sa large victoire: par référendum, plus de 54% des électeurs avaient choisi de supprimer la limite d’une seule réélection imposée jusqu’alors aux élus de tout rang. «Je veux jurer de nouveau que je me consacre pleinement au service du peuple vénézuélien», a-t-il assuré. Déjà réélu en 2006, il s’est immédiatement porté candidat à sa succession en 2012.

Le chiffre a surpris la plupart des analystes, qui tablaient sur un résultat serré après les scrutins des derniers mois. Laminée dans les urnes depuis 1998, l’opposition avait obtenu in extremis en 2007 le rejet d’une réforme constitutionnelle qui incluait la réélection illimitée, puis conquis des bastions du chavisme lors d’élections régionales en novembre dernier.

Le chef d’Etat «révolutionnaire» a tiré les leçons de ses revers. En 2007, ses troupes avaient boudé les urnes, désorientées par une réforme complexe qui pouvait menacer la propriété privée. Il a cette fois-ci transformé le référendum en quasi-plébiscite. Selon l’analyste Carlos Romero, son «magnétisme inégalable», qui lui assurerait 57% d’opinions favorables et lui permet de flotter au-dessus des scandales de corruption et d’insécurité, a mobilisé ses partisans. «Si Chavez reste au pouvoir, nous ne tomberons pas entre les mains des voleurs des deux bords», a expliqué une de ses électrices dans la presse locale. L’extension aux élus locaux de la possibilité de réélection indéfinie a aussi modéré les ardeurs des maires et gouverneurs opposants intéressés par une reconduction.

Mais à Caracas, dans les QG des partis conservateurs et centristes, des larmes coulaient dimanche soir sur les joues de militants consternés. «L’abus de l’Etat a évidemment fini par s’imposer», lançait le conseiller municipal Freddy Guevara. Pendant la campagne, accusent les militants, les slogans pro-Chavez ont résonné jusque dans les haut-parleurs du métro, et le président a multiplié les interventions obligatoires sur toutes les chaînes.

’opposition toujours divisée, sans vraie figure, s’est sentie comme un «David face à Goliath», résume le libéral Leopoldo Lopez. Cette star opposante – qui ne cumule pourtant que 11% d’opinions dans les sondages – dénonce un «Etat abusif qui conquiert de plus en plus de pouvoir». Le président a ordonné ces derniers jours à la police de disperser «avec du bon gaz» les éventuels barrages de manifestants opposants, et les domiciles de plusieurs dirigeants étudiants ont été perquisitionnés.

L’analyste Carlos Romero dénonce par ailleurs la «perte d’autonomie» de plusieurs organes d’Etat face au chef d’Etat. «Les autorités électorales n’ont pas réagi au déséquilibre des forces en campagne, et des généraux ont pris parti pour le oui.» A ces rapports incestueux s’ajoutent, selon l’organisation de défense des droits de l’homme Provea, les «marques de peu d’indépendance» du pouvoir judiciaire.

Ces dérives n’ont pas pesé dans les urnes face au déploiement de programmes sociaux, financés par les excédents pétroliers du cinquième exportateur de brut mondial. Santé, éducation, plans de coopératives de production… Même si certaines de ces «missions» «se sont transformées en guichet pour recevoir un chèque sans contre-prestation», selon Carlos Romero, elles ont contribué à faire baisser le taux de pauvreté de 43 à 28% des foyers en dix ans.

Aujourd’hui, la chute des cours du baril n’affecte pas encore des réserves gonflées par les années fastes. Mais la plupart des analystes redoutent un effondrement de l’activité au deuxième semestre. Le PIB vénézuélien a crû de 4,8% l’an dernier, en net recul face aux 8% de 2007, et le budget de l’Etat pétro-dépendant est calculé sur un cours supérieur de 50% aux prix actuels. Les opposants agitent le spectre d’un «paquet» de mesures de restriction budgétaire, que le pouvoir aurait réservé pour le lendemain du triomphe électoral. Sous les feux d’artifice, Hugo Chavez, qui table sur un retournement des cours, a simplement promis une révision et correction de sa politique… avant une «relance révolutionnaire»

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