mercredi, février 11, 2009

Chavez président à vie

Hugo Chavez, président à vie?

AFP

La réforme autorise le président à se représenter éternellement à son poste. (Keystone)

La réforme autorise le président à se représenter éternellement à son poste. (Keystone)

Hugo Chavez a remporté dimanche le référendum l’autorisant à se représenter au-delà de son deuxième mandat présidentiel, dès 2012.

Les Vénézuéliens ont renouvelé leur confiance au président socialiste Hugo Chavez en votant «oui» au référendum qui lui permettra de se représenter en 2012, à l’issue d’une campagne centrée sur son bilan, dix ans après son arrivée au pouvoir.

L’amendement constitionnel permettant au président - ainsi qu’à l’ensemble des titulaires de mandats électifs - de se représenter autant de fois qu’il le souhaite l’a emporté avec 54,36% des suffrages, selon des résultats partiels publiés dimanche soir par le Conseil national électoral.

Après dépouillement de 94,2% des résultats envoyés par les bureaux de vote, le oui a obtenu 54,36% des suffrages et le non 45,63%, a annoncé la présidente du CNE, Tibisay Lucena.

«C’est une victoire nette du peuple, (...) de la révolution», a très vite réagi Hugo Chavez. «La vérité a triomphé sur le mensonge, la dignité de la patrie l’a emporté sur ceux qui la nient, la constance a gagné», a-t-il ajouté devant des milliers de partisans rassemblés face au palais présidentiel. «Je jure, qu’à partir de cet instant, je vais me consacrer pleinement au service du peuple, de manière définitive».

L’opposition a admis sa défaite, tout en estimant que la «campagne a été celle de David contre Goliath et (que) Goliath a gagné». Omar Barboza, président du mouvement Un nouveau temps (social démocrate) a dénoncé l’utilisation «sans scrupules» des moyens de l’Etat pour permettre au «oui» de l’emporter, tout en se félicitant que le non ait obtenu «plus de cinq millions de voix».

«Notre projet est très différent du projet totalitaire du président Chavez», a-t-il encore dit. Mais, «en tant que démocrates, nous reconnaissons les résultats», de ce scrutin, a-t-il poursuivi, en promettant de continuer à lutter «sur le terrain des idées».

Immédiatement après l’annonce de la victoire du oui, la ville de Caracas a été illuminée par des dizaines de feux d’artifices, tandis que les détonations des pétards résonnaient et que le président Hugo Chavez se montrait au balcon de son palais de Miraflores pour chanter l’hymne national.

Hugo Chavez, déjà candidat pour 2012

Hugo Chavez, déjà candidat pour 2012

(Keystone)

(Keystone)

Au désespoir de l’opposition, le président a remporté par référendum le droit de se représenter à sa succession

Dimanche soir, le slogan a résonné une fois de plus dans les rues de Caracas: «Chavez ne s’en va pas!» L’opposition vénézuélienne espérait ne plus avoir à vivre les scènes qui ont suivi: des centaines de feux d’artifice zébrant la nuit moite, des concerts de klaxons de militants vêtus de rouge, et un Hugo Chavez, triomphant, entonnant l’hymne national depuis le «balcon du peuple», sur la façade du palais présidentiel. Sous les vivats, le président socialiste a salué sa large victoire: par référendum, plus de 54% des électeurs avaient choisi de supprimer la limite d’une seule réélection imposée jusqu’alors aux élus de tout rang. «Je veux jurer de nouveau que je me consacre pleinement au service du peuple vénézuélien», a-t-il assuré. Déjà réélu en 2006, il s’est immédiatement porté candidat à sa succession en 2012.

Le chiffre a surpris la plupart des analystes, qui tablaient sur un résultat serré après les scrutins des derniers mois. Laminée dans les urnes depuis 1998, l’opposition avait obtenu in extremis en 2007 le rejet d’une réforme constitutionnelle qui incluait la réélection illimitée, puis conquis des bastions du chavisme lors d’élections régionales en novembre dernier.

Le chef d’Etat «révolutionnaire» a tiré les leçons de ses revers. En 2007, ses troupes avaient boudé les urnes, désorientées par une réforme complexe qui pouvait menacer la propriété privée. Il a cette fois-ci transformé le référendum en quasi-plébiscite. Selon l’analyste Carlos Romero, son «magnétisme inégalable», qui lui assurerait 57% d’opinions favorables et lui permet de flotter au-dessus des scandales de corruption et d’insécurité, a mobilisé ses partisans. «Si Chavez reste au pouvoir, nous ne tomberons pas entre les mains des voleurs des deux bords», a expliqué une de ses électrices dans la presse locale. L’extension aux élus locaux de la possibilité de réélection indéfinie a aussi modéré les ardeurs des maires et gouverneurs opposants intéressés par une reconduction.

Mais à Caracas, dans les QG des partis conservateurs et centristes, des larmes coulaient dimanche soir sur les joues de militants consternés. «L’abus de l’Etat a évidemment fini par s’imposer», lançait le conseiller municipal Freddy Guevara. Pendant la campagne, accusent les militants, les slogans pro-Chavez ont résonné jusque dans les haut-parleurs du métro, et le président a multiplié les interventions obligatoires sur toutes les chaînes.

’opposition toujours divisée, sans vraie figure, s’est sentie comme un «David face à Goliath», résume le libéral Leopoldo Lopez. Cette star opposante – qui ne cumule pourtant que 11% d’opinions dans les sondages – dénonce un «Etat abusif qui conquiert de plus en plus de pouvoir». Le président a ordonné ces derniers jours à la police de disperser «avec du bon gaz» les éventuels barrages de manifestants opposants, et les domiciles de plusieurs dirigeants étudiants ont été perquisitionnés.

L’analyste Carlos Romero dénonce par ailleurs la «perte d’autonomie» de plusieurs organes d’Etat face au chef d’Etat. «Les autorités électorales n’ont pas réagi au déséquilibre des forces en campagne, et des généraux ont pris parti pour le oui.» A ces rapports incestueux s’ajoutent, selon l’organisation de défense des droits de l’homme Provea, les «marques de peu d’indépendance» du pouvoir judiciaire.

Ces dérives n’ont pas pesé dans les urnes face au déploiement de programmes sociaux, financés par les excédents pétroliers du cinquième exportateur de brut mondial. Santé, éducation, plans de coopératives de production… Même si certaines de ces «missions» «se sont transformées en guichet pour recevoir un chèque sans contre-prestation», selon Carlos Romero, elles ont contribué à faire baisser le taux de pauvreté de 43 à 28% des foyers en dix ans.

Aujourd’hui, la chute des cours du baril n’affecte pas encore des réserves gonflées par les années fastes. Mais la plupart des analystes redoutent un effondrement de l’activité au deuxième semestre. Le PIB vénézuélien a crû de 4,8% l’an dernier, en net recul face aux 8% de 2007, et le budget de l’Etat pétro-dépendant est calculé sur un cours supérieur de 50% aux prix actuels. Les opposants agitent le spectre d’un «paquet» de mesures de restriction budgétaire, que le pouvoir aurait réservé pour le lendemain du triomphe électoral. Sous les feux d’artifice, Hugo Chavez, qui table sur un retournement des cours, a simplement promis une révision et correction de sa politique… avant une «relance révolutionnaire»

Chávez demande encore dix ans pour «consolider le socialisme»

   BENITO PEREZ    

InternationalRÉFÉRENDUM - Les Vénézuéliens diront dimanche s'ils acceptent que le leader bolivarien puisse solliciter un troisième mandat en 2012. 
L'enjeu paraît avoir mobilisé les militants bolivariens. Des centaines de milliers de partisans d'Hugo Chávez ont clos jeudi après-midi, dans les rues de Caracas, la campagne en faveur du «oui» à la réforme constitutionnelle. Ce texte soumis dimanche aux suffrages permettrait à leur favori de se représenter à l'élection présidentielle de décembre 2012. «Le coeur me le dit, vous n'allez pas me faire défaut dimanche 15, comme jamais je ne vous ai fait défaut», a assuré le chef de l'Etat à la foule compacte des militants du Parti socialiste uni du Venezuela. Mais le message émotionnel était surtout destiné aux quelque deux millions d'électeurs habituels du «chavisme» qui, en décembre 2007, avaient boudé les urnes lors d'une première tentative de réforme institutionnelle. Attribuant cet échec de justesse (51% de «non») à un paquet constitutionnel jugé confus, M. Chávez a décidé de revenir à la charge sur le seul thème des mandats électifs. Dimanche, les 17 millions de Vénézuéliens appelés aux urnes devront simplement dire s'ils acceptent ou non d'abroger la limite des deux mandats consécutifs pour tous les élus, qu'ils soient nationaux, municipaux ou régionaux. 


Alternance entravée?

«Plus démocratique», car elle offre «plus de liberté de choix aux électeurs», la non-limitation est présentée, par le gouvernement, comme le pendant institutionnel du «référendum révocatoire». Depuis l'instauration de la Constitution bolivarienne en 2000, tout élu vénézuélien peut, en effet, être renvoyé par le corps électoral dès la moitié de son mandat. 
En face, l'opposition présente la réforme comme la prémisse d'une «présidence à vie» pour le quinquagénaire Hugo Chávez, au pouvoir depuis 1999. Traduisant «fin de la limitation» par «présidence illimitée», les anti-Chávez assurent que cette réforme «attente à l'alternance» politique et serait par conséquent «antidémocratique». 
Bien qu'il jouisse d'une forte popularité, le président sait l'issue du scrutin incertaine. Les sondages prédisent tous une victoire de la réforme, mais signalent également un nombre très élevé d'indécis. D'où l'impératif absolu de mobiliser les plus tièdes des «chavistes», notamment en relevant les risques que ferait courir un retour de la droite aux fameuses «missions» sociales du gouvernement (lire ci-contre). 
Bien que le mandat de M. Chávez coure jusqu'en janvier 2013, le leader bolivarien joue gros dimanche, tant une seconde défaite dans les urnes affaiblirait son pouvoir d'initiative. Et ce au moment où l'Etat voit ses importants revenus pétroliers fondre sous l'effet de la crise mondiale. 


Encore dix ans

A l'instar des analystes politiques conservateurs, le président semble, en outre, sceptique quant aux chances de voir la gauche se maintenir au gouvernement après 2012 si elle était privée de son charismatique leader. L'échec aux régionales de 2008 de deux de ses successeurs potentiels, Diosdado Cabello (Etat de Miranda) et Aristóbulo Iztúriz (Caracas), en témoignerait. 
Jeudi, devant la foule de ses partisans, Hugo Chávez a assuré avoir encore besoin de dix ans pour «consolider les bases» du socialisme. «Ensuite, je serais le premier à faire un pas de côté», a-t-il promis, avant de scander sous les ovations des manifestants: «Mais d'ici là: 'Uh! Ah! Chávez ne s'en va pas!'»

mardi, février 03, 2009

Sans terre en quête d’un nouvel élan

Le Temps

Allié historique du mouvement, le président Lula n’a pas été à la hauteur des espérances
Il y a vingt-cinq ans, le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) voyait le jour au Brésil dans les milieux de la gauche catholique et avec le soutien du courant progressiste de l’Eglise. Principal mouvement paysan du Brésil, le MST a définitivement inscrit la réforme agraire sur l’agenda politique dans un pays où le nombre de familles «sans terre» est estimé à 4,5 millions: paysans expulsés vers les villes par la modernisation de l’agriculture, métayers, petits agriculteurs dont la terre n’est pas assez grande pour suffire à leurs besoins.

Le Brésil est pourtant un pays immense mais, après le Paraguay, la concentration de la terre y est la plus forte au monde: 1% des propriétaires terriens détiennent quelque 46% des surfaces cultivables.

Le MST occupe des terres afin de pousser l’Etat à les redistribuer. Des dizaines de militants y ont laissé leur peau, tués sous les balles de la police ou de propriétaires terriens. Marina dos Santos, porte-parole du mouvement, défend ses méthodes controversées. Selon elle, plus de 70% des terres redistribuées l’ont été à la suite d’occupations: «Nous n’aurions pas eu ce résultat autour de tables de négociation.»

Mobilisation moindre

Mais le MST vit des temps difficiles. Depuis l’arrivée au pouvoir, il y a six ans, du leader de gauche Lula, le mouvement a de plus en plus de mal à mobiliser. Le nombre de familles ayant rejoint ou monté des «campements» (installations précaires le long des routes pour mettre l’Etat sous pression) a reculé de près de… 90% en 2007 par rapport à 2003.

Les spécialistes pointent la forte croissance économique de ces dernières années qui a relancé l’emploi et donc réduit, du moins provisoirement, la demande de terre. Egalement en cause: la «bourse famille», le principal programme social de Lula. Les bénéficiaires de cette aide en liquide – versée mensuellement à 11 millions de foyers démunis – seraient moins enclins à se mobiliser maintenant qu’ils disposent d’un moyen de subsistance.

Le MST avance une autre explication. Pour lui, les sans-terre abandonnent la lutte parce qu’ils ont perdu espoir d’obtenir un lopin. Et d’accuser le gouvernement d’avoir paralysé la réforme agraire. Le président Lula affirme pourtant avoir fait bien plus que ses prédécesseurs: il aurait distribué des terres à 520 000 familles – soit 52% du contingent total de celles ayant bénéficié jusqu’ici de la réforme agraire. Le MST conteste ce chiffre et parle de 163 000 familles, ajoutant que leur nombre annuel est en recul depuis 2007.

Pour le mouvement, Lula a changé de camp. Allié historique des sans-terre, du temps où il était encore dans l’opposition, l’ex-syndicaliste leur préférerait désormais l’agriculture industrielle, dont les exportations font rentrer des devises. Or l’expansion de cette activité, portée par la hausse de la demande mondiale, est accusée d’entraver la réforme agraire, mais devrait être freinée, espère le MST, par l’actuelle crise financière internationale.

Les présidents mettent la pression sur les alters!

   BENITO PEREZ/AGENCES    

FSM - Belem 2009MEETING - Cinq chefs d'Etat historiquement liés aux mouvements sociaux étaient invités jeudi à Belém, en marge du Forum social. 
L'événement était attendu, il n'a pas déçu: la rencontre, jeudi soir, de cinq chefs d'Etat de la gauche sud-américaine avec la foule des altermondialistes réunis à Belém a donné lieu à un meeting surchauffé, au moment où le mouvement social débat âprement de son rapport à la politique institutionnelle. Pour le Vénézuélien Hugo Chávez, l'heure est pourtant à «l'offensive contre le capitalisme libéral»: «ce n'est pas un temps pour les tranchées», a estimé l'ancien militaire. Un message mobilisateur relayé sur des tons divers par les présidents du Brésil Lula da Silva, de Bolivie Evo Morales, d'Equateur Rafael Correa et du Paraguay Fernando Lugo. Devant 10000 personnes massées dans le Palais des Congrès de Belém, Hugo Chávez a rappelé que le FSM a été dans ses premières années «le bastion de la résistance à l'offensive libérale». Pour retrouver ce rôle à l'avant-garde, les mouvements sociaux doivent «mieux s'articuler» et porter des «propositions alternatives», a-t-il expliqué. Affirmant que le socialisme offre «l'unique chemin pour sauver la planète», le leader bolivarien a rappelé que Porto Alegre, en 2003, avait été la première à résonner d'un appel au renouveau du socialisme lancé par... lui! «A Davos, en Suisse, se réunit le monde qui meurt, ici le monde qui naît», avait-il déclaré peu après son arrivée à Belém. «Si les peuples du monde ne sont pas capables d'enterrer le capitalisme, le capitalisme enterrera la planète», a renchérit Evo Morales, saluant cet «autre monde qui ne se résigne pas». Le président bolivien et syndicaliste cocalero a proposé le lancement de quatre campagnes mondiales prônant une réforme du Conseil de sécurité, un nouvel ordre économique mondial, la défense de l'environnement et le respect de la diversité culturelle avec la feuille de coca comme emblème. «Nous devons en finir avec la monarchie des Nations Unies; il n'est pas possible qu'un pays ait davantage de pouvoir que 190. Le droit international doit être appliqué de la même façon pour tous», a-t-il réclamé. Absent de Davos cette année, Lula s'est montré également critique par rapport aux puissances occidentales: «Le monde développé nous disait ce que nous devions faire en Amérique latine. Ils semblaient infaillibles et nous incompétents. Ils nous ont dit que le marché développerait les pays. Et ce marché a fait faillite par manque de responsabilité et de contrôle», a-t-il rappelé. Sifflé en 2005 lors de son ultime apparition au FSM, à Porto Alegre, le président brésilien en fin de mandat a paru réconcilié avec les activistes sociaux. Pas moins de treize ministres de son gouvernement étaient annoncés à cette 8e édition du FSM, la 5e à se tenir au Brésil. La soirée a d'ailleurs souligné la forte imbrication entre mouvements populaires et gouvernements progressistes. Ainsi M.Morales a revendiqué sa place dans le Forum «tout comme avant d'être élu» Le chef de l'Etat paraguayen, dernier élu en date des présidents de gauche avec l'appui d'un mouvement paysans indigène, s'est dit «persuadé que les grands changements ne pouvaient être garanti qu'avec l'appui des mouvements populaires».