Les Boliviens plébiscitent la révolution d'Evo Morales
Paru le Mardi 12 Août 2008RÉFÉRENDUM - Confirmé par deux tiers des Boliviens, le président appelle au dialogue mais se heurte au refus des sécessionnistes qui conservent leurs départements.
«Evo, parce que tu ne nous as jamais abandonnés, le peuple ne t'abandonnera pas!» L'immense slogan peint sur un mur de La Paz est bel et bien une réalité en Bolivie! Dimanche, le président Evo Morales a en effet obtenu, selon les premières projections (les résultats définitifs ne seront connus que dans quelques jours), plus de 63% de soutien lors du référendum révocatoire, qui remettait en jeu son mandat après deux ans et demi de gestion. Pour la droite conservatrice, la déroute est presque totale, malgré le maintien dans leurs fonctions des préfets autonomistes de la media luna (les départements de Santa Cruz, Pando, Beni et Tarija, en forme de demi-lune à l'est du pays). Le premier président indigène du pays réalise un score très largement supérieur à celui obtenu lors de l'élection présidentielle (53,7% en décembre 2005).
Le résultat est absolument sans appel: dans son ensemble, le peuple de Bolivie a littéralement plébiscité sa politique de changement, décriée par les élites et la presse acquise à la droite, et il demande massivement la poursuite des réformes vers une plus grande justice sociale et une plus équitable répartition des richesses, qui passe notamment par la réforme agraire.
Dans le calme à El Alto
A l'image de toute la Bolivie, El Alto a vécu une journée tranquille dimanche, qui a contrasté avec la tension et la violence des derniers mois. Cette ville d'un million d'habitants, qui domine La Paz à 4000 mètres d'altitude, est un bastion d'Evo Morales mais aussi le chaudron, toujours sous haute pression, des mouvements sociaux.
«A El Alto, chaque quartier a ses martyrs. A Rio Seco par exemple, huit personnes sont mortes en 2003 lors de la chute du gouvernement libéral de Sanchez de Lozada et de la déroute de l'impérialisme», explique Jorge. Ici, lorsqu'il faut défendre des revendications sociales, on dynamite un pont pour bloquer la circulation.
Mais dimanche, aucune mèche n'a été allumée. Les rues interdites au trafic automobile dans toute la Bolivie se sont transformées en cadre de balade dominicale et en marchés ouverts, où fleuraient bon les odeurs de chicharon de pollo. Et à El Alto, en famille, parfois en béquille ou en fauteuil roulant, le peuple d'Evo s'est massivement déplacé dans les collèges de la ville pour voter, dans une atmosphère de détente et de fête.
Dans une des salles de classe du Colegio Villa Tunari, le décompte manuel avançait lentement dimanche en début de soirée. Mais des 350 premiers bulletins dépouillés, 90% étaient en faveur du président. Un taux qui sera finalement celui de l'ensemble d'El Alto!
Présente durant la journée dans six collèges différents, l'observatrice de l'Organisation des Etats américains (OEA) Adoración Quesada Bravo n'a pu que constater de son côté «le déroulement parfait de la journée et l'excellente préparation du scrutin, son fonctionnement transparent, durant le vote mais aussi lors du comptage des voix».
La voie démocratique
Supporter d'Evo Morales, Jorge pouvait donc laisser place à l'allégresse dimanche soir. Mais à El Alto, la victoire est toujours synonyme de nouvelle revendication: «Malgré la victoire de notre président, la guerre de la droite va se poursuivre. La seule solution, c'est donc un changement de politique du gouvernement. Il faut fermer le parlement et instaurer l'état d'urgence. C'est la seule manière de faire passer nos réformes. De toute façon l'opposition ne respecte pas les lois, pas la démocratie, alors pourquoi négocier avec elle?»
Ce n'est pourtant pas la voie choisie par Evo Morales. Devant une marée de drapeaux boliviens et de wiphalas (la bannières des communautés indigènes), le président s'est adressé au pays sans ambiguïté depuis le balcon du palais présidentiel dimanche soir. La révolution continue! Mais elle continuera de s'inscrire dans le cadre démocratique.
Fort du plébiscite populaire, Evo Morales a tout de même repris la main. Dans son agenda, la priorité absolue, c'est désormais l'approbation de la nouvelle Constitution, qui reconnaît enfin des droits essentiels aux communautés indigènes et qui fait de la Bolivie un Etat plurinational, mais dont le texte est rejeté par l'opposition. Dimanche, Evo Morales a toutefois fait un pas significatif envers ses opposants, déclarant vouloir «inclure les autonomies départementales» dans le projet de Charte issu de l'Assemblée constituante.
Une ouverture présidentielle ignorée par le préfet de Santa Cruz, réélu dans son département avec près de 70% des voix. Son discours est en effet resté régionaliste et sans concession: «Ce référendum révocatoire est une victoire de l'autonomie. J'invite le président à oublier sa Constitution, qui mène à l'impasse!» Pas une allusion au triomphe national de son opposant politique. Mais une remarque assassine qui montre que le fossé bolivien reste bien profond: Evo Morales a obtenu moins de 50% de soutien dans les quatre départements de la media luna. «Il n'est donc plus considéré comme président.»
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