
Amazonie: verdict crucial attendu pour les Indiens
La Cour suprême brésilienne a commencé, mercredi, à statuer sur une affaire considérée comme emblématique pour l'avenir des Indiens du Brésil: la légalité d'un décret pris en 2005 par le président Luiz Inacio Lula da Silva (gauche). Considéré comme la principale conquête des peuples indigènes depuis l'élection de Lula, en 2003, ce décret concède la terre Raposa Serra do Sol, d'une superficie de 17000 km² dans l'Etat amazonien du Roraima, à la frontière avec le Venezuela et le Guyana, aux 18000 Indiens de cinq ethnies différentes qui y vivent.
Mais le décret présidentiel est contesté par un groupe de riziculteurs blancs qui ont occupé dans les années1990 une partie de la réserve et refusent d'en sortir. En mars, ils ont détruit des ponts et planté des clous sur les voies d'accès à Raposa Serra do Sol pour empêcher la police fédérale de les évacuer. Neuf Indiens ont également été blessés par balle dans des rixes.
Développement en péril
Pour les riziculteurs blancs de Raposa Serra do Sol, la réserve est trop grande pour si peu d'Indiens. Ils contestent les études anthropologiques sur lesquelles se fonde le décret et demandent que le tracé de la réserve soit revu de manière à exclure leurs exploitations et les constructions effectuées sur place. Ils affirment aussi que les terres sur lesquelles le gouvernement veut les réinstaller ne sont pas aussi productives que celles de Raposa Serra do Sol.
Les riziculteurs blancs sont soutenus par les autorités du Roraima, qui affirment que leur départ de la réserve mettrait en péril le développement économique, car leur production de riz représenterait au moins 6% du PIB de l'Etat. Les riziculteurs bénéficient également de l'appui d'un petit groupe d'Indiens qui travaillent pour eux et craignent de ne plus avoir de moyens de subsistance s'ils devaient partir, mais aussi d'une partie de l'armée, qui redoute, elle, qu'une zone de faible peuplement à la frontière du pays menace la sécurité du territoire et la souveraineté nationale.
Autres réserves concernées
Les défenseurs des Indiens, parmi lesquels le gouvernement et l'Eglise catholique, rejettent ces affirmations. Pour eux, la délimitation de la réserve «en continu» n'empêche pas l'entrée de l'armée pour surveiller la frontière, l'Etat restant formellement le propriétaire de la terre. Ils affirment que les 18000 Indiens qui y vivent ont besoin d'une terre aussi grande pour préserver leur culture et leur «organisation sociale». Et se prévalent de la Constitution, qui stipule que les Indiens disposent de «l'usufruit exclusif» des terres qu'ils occupent historiquement.
Le verdict de la Cour suprême est jugé capital car, si la délimitation «en continu» de Raposa Serra do Sol n'est pas maintenue, toutes les autres réserves pourraient être sujettes à révision, s'est inquiété le ministre de la Justice, Tarso Genro. Et les militants de la cause indigène craignent que cela n'encourage les agriculteurs, coupeurs de bois et autres orpailleurs, qui ont coutume d'envahir les terres où vivent les Indiens, à continuer à le faire.
Le climat est donc très tendu. Sur place, les indigènes favorables à l'unité territoriale de la réserve ont promis de lutter jusqu'au bout pour leurs droits quitte à ce que «(meurent) des Indiens ou des Blancs», a mis en garde Pedro Brasil, un leader indigène de la région.
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