La Paz n'est pas pressée d'étatiser les anciennes mines
Paru le Mardi 10 Mars 2009
Le nouveau credo bolivien dans le domaine des ressources naturelles, dont le pays regorge, est simple: redonner à l'Etat la mainmise sur les richesses du sous-sol, tout en restant ouvert aux investissements étrangers. L'exploitation d'El Mutun, une montagne du nord-est de la Bolivie qui regorge de fer et de manganèse (40 millions de tonnes sur une surface de 62 km2), en est la parfaite illustration: l'Etat bolivien a signé l'an dernier un accord avec l'entreprise indienne Jindal Steel, qui investira 300 millions cette année et 1,5 milliard d'ici à cinq ans pour exploiter le site, qui reste sous le giron de l'Etat. Dans le domaine des hydrocarbures (la Bolivie possède les deuxièmes réserves de gaz naturel du continent, derrière le Venezuela), la politique d'Evo Morales apparaît plus radicale. Le 1er mai 2006, le président bolivien annonce en effet avec fracas la nationalisation du secteur, et investit avec l'aide de l'armée le champ de gaz naturel de San Alberto. Il ouvre dans la foulée des négociations avec l'ensemble des entreprises étrangères présentes en Bolivie afin de réviser les contrats, qui jusque-là n'octroyaient que 18% des royalties à l'Etat. L'espagnole Repsol ou la brésilienne Petrobras rechignent dans un premier temps avant d'accepter l'inéluctable. Désormais les pourcentages des royalties sont pratiquement inversés. Evo Morales annonce alors que ce processus de nationalisation permettra à l'Etat de faire passer ses revenus annuels de 300 millions à 1,2 milliard de dollars. Dans la foulée, il finance la mise en place de deux piliers de son programme social avec la manne des hydrocarbures: la Renta Dignidad, une rente universelle pour tous les Boliviens de plus de 60 ans, et le Bono Juancito Pinto, une aide annuelle à tous les écoliers du pays. La marche en avant de la nationalisation se poursuit, à coup de décrets présidentiels et de rachat d'actions. Dernier épisode en date: la prise de contrôle le 23 janvier de la compagnie pétrolière Chaco, filiale du groupe BP.
Et pourtant, sur la gauche du gouvernement, certains mouvements sociaux plus radicaux font la moue, réclamant le départ pur et simple des multinationales du pays et accusant Evo Morales de faire passer une renégociation de contrats pour une nationalisation. Dans le domaine de l'exploitation des mines, autre richesse du sous-sol bolivien, le gouvernement a joué une carte beaucoup plus prudente et la nationalisation du secteur n'est aujourd'hui plus à l'ordre du jour. Etatisées en 1952, les mines boliviennes ont été abandonnées par l'Etat en 1985 lors de la chute dramatique du prix des minerais. L'avenir de dizaines de milliers de mineurs n'a alors pu être assuré que par la constitution de centaines de coopératives privées, au bénéfice d'une concession. Juan, mineur coopérativiste à Potosi, résume aujourd'hui la situation: «Ca fait trois décennies qu'on creuse nos galeries sans l'aide de personne, et l'Etat voudrait aujourd'hui les nationaliser pour bénéficier de ses revenus? C'est exclu. Si Evo Morales veut profiter des minerais, qu'il creuse ses propres tunnels!»
En année électorale, le président sait donc qu'il ne peut pas s'aliéner l'appui potentiel du secteur des coopératives minières. Et la chute du prix des minerais provoquée par la crise économique l'incitera d'ailleurs encore moins à nationaliser un secteur actuellement en crise.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire