mardi, mai 12, 2009

Des favelas de Rio seront bientôt entourées de murs

PAR CHANTAL RAYES, SÃO PAULO
Les autorités évoquent une mesure pour protéger la forêt. Une ONG dénonce une mesure de ségrégation
Rio de Janeiro, la capitale touristique du Brésil, chercherait-elle à isoler ses pauvres? L’Etat de Rio a en tout cas lancé la polémique en annonçant la construction de murs autour de 13 des 958 favelas de la ville. Dans l’une d’elles, la Dona Marta, les travaux ont déjà commencé. Objectif déclaré: contenir l’expansion de ces bidonvilles sur la forêt atlantique et «rétablir l’ordre urbain», selon le gouverneur, Sergio Cabral.

Trois mètres de haut

Les murs de Rio feront 14,6 kilomètres de long et trois mètres de haut, ce que la secrétaire d’Etat à l’Environnement, Marilene Ramos, trouve «naturel». Leur tracé devrait passer uniquement là où les favelas jouxtent la forêt. Les quartiers pauvres ne seront donc pas totalement murés et la liberté de circuler des habitants n’est pas menacée, selon les autorités.

Pour ses défenseurs, l’initiative – décidée sans même consulter les populations concernées – va aider à préserver les paysages de la «cité merveilleuse», qui seraient défigurés par ses favelas. Curieusement, 51% des plus pauvres interrogés par le très sérieux institut de sondage Datafolha disent y être favorables. «Ils n’en mesurent pas encore la portée», assure Itamar Silva, coordinateur de l’ONG Ibase et habitant de la Dona Marta. Il dénonce une mesure de ségrégation: «La protection de la forêt n’est qu’un alibi. La vraie raison, c’est que les classes aisées ne veulent pas de favelas à proximité car cela dévalorise l’immobilier.» Et déloger les bidonvilles – une idée très populaire en raison de la criminalité dont ils seraient à l’origine – est impossible, du moins pour les plus grands, déjà consolidés.

Selon le chercheur Ignacio Cano, la lutte contre l’insécurité est l’une des motivations des autorités. Il s’agirait d’empêcher les narcotrafiquants armés qui contrôlent les favelas de s’enfuir par la forêt pendant les incursions policières. Les soupçons sont alimentés par le fait que presque tous les bidonvilles concernés par cette première phase du projet se situent dans la zone touristique, la plus riche de la ville. De plus, «leur expansion est très inférieure à la moyenne, voire nulle, et elle est plutôt verticale qu’horizontale», note Beto Mesquita, membre du Conseil de l’environnement lié à la mairie.

L’Etat dit les avoir retenus à titre «préventif», notamment en raison de leur forte population et de leur relief. Il s’agirait d’éviter les nouvelles constructions sur les flancs des collines, sujets aux éboulements.

Selon les experts, il y a des moyens moins agressifs que des murs pour contenir les favelas. Il existe déjà des clôtures autour de certains bidonvilles, mais ces «écolimites» ne sont pas toujours respectées. «Il suffit que l’Etat exerce son contrôle, reprend Itamar Silva. Pas besoin de murs pour cela. Il faut faire aussi du logement social», sans quoi les favelas continueront de gagner du terrain dans tout le pays. Le président Lula a lancé un plan pour construire un million de toits pour les démunis, mais il en faudrait près de huit fois plus pour répondre aux besoins en logements du Brésil.

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