Une vidéo appuie la thèse du complot contre Evo Morales
Paru le Vendredi 24 Avril 2009BOLIVIE - Dans une interview réalisée avant sa mort, un mercenaire affirme avoir été sollicité par des milieux opposants de Santa Cruz, en vue de former une milice régionale et de déstabiliser le pouvoir bolivien.
Une semaine après la mort de mercenaires abattus par la police en Bolivie, la thèse d'un complot contre le président socialiste Evo Morales a gagné en crédibilité sur fond de tensions séparatistes. Selon M. Morales, ces derniers sont motivés par la crainte de perdre leurs privilèges. Trois hommes ayant la nationalité hongroise, irlandaise et croate ont été tués et deux autres interpellés hier dans un hôtel de Santa Cruz à l'est du pays par un commando de la police, qui a saisi armes et explosifs. En trois ans de présidence, M. Morales a déjà dénoncé plusieurs tentatives d'assassinat contre lui, accusations impliquant souvent les Etats-Unis. Mais l'affaire a pris cette fois un tour plus crédible avec l'interview, diffusée mardi par une télévision hongroise, d'un des hommes abattus, Eduardo Rozsa Flores. Dans cet entretien, réalisé en septembre 2008, il annonce sa mission, et évoque des commanditaires en Bolivie. Flores, à la triple nationalité bolivienne, hongroise et croate, était un aventurier de 49 ans originaire de Santa Cruz, au parcours sinueux mêlant, du Chili de Pinochet à la Croatie en guerre, militantisme politique, journalisme, activité paramilitaire et cinéma. Dans l'interview, dont il ne souhaitait la diffusion qu'après sa mort, Flores dit – sans citer de noms – avoir été sollicité par des milieux opposants de Santa Cruz, capitale économique (1,5 million d'habitants) du pays et fief de l'opposition conservatrice, aux fins de former une milice régionale.
L'interview survenait au moment de manifestations et violences dans cette région riche en hydrocarbures du croissant Est, engagée dans un bras de fer avec le pouvoir socialiste de La Paz pour davantage d'autonomie.
«Nous sommes prêts, sous quelques mois, au cas où la coexistence (avec le pouvoir central) ne fonctionnerait pas dans le cadre d'une autonomie, à proclamer l'indépendance (de Santa Cruz) et créer un nouveau pays», affirmait Flores avant son départ pour la Bolivie.
Les régions orientales – Pando, Beni, Santa Cruz et Tarija – dominées par la droite, sont qualifiées de «sécessionnistes» par La Paz. Pour Morales, l'autonomie est un prétexte des élites locales pour conserver leurs privilèges, et résister à sa refondation socialiste et pro-indigène. Le calme y est pourtant revenu, après des manifestations et violences meurtrières entre les deux camps mi-2008.
Mais ce que les événements récents semblent attester, c'est l'existence d'une frange radicale séparatiste, prête à financer une déstabilisation avec aide étrangère: en l'occurrence, des vétérans du conflit serbo-croate, mais aussi un Irlandais de 24 ans sans le moindre pedigree de mercenaire. Une frange, d'ailleurs, qui déborde plus qu'elle ne soutient l'opposition légale: Ruben Costas, gouverneur régional et farouche opposant au chef de l'Etat, figurait parmi les cibles des «terroristes», selon les autorités centrales. Déstabiliser, non pas «organiser un coup d'Etat à La Paz et chasser le président du pouvoir», affirmait Flores dans l'interview.
Déstabiliser, pour faciliter la scission du riche Est bolivien, de l'ouest andin et pauvre: la «Bolivie andine» et la «Bolivie orientale», selon les termes du maire de Santa Cruz Percy Fernandez. Le complot présumé contre M. Morales, qui garde des zones d'ombre, intervient au moment où l'opposition paraît sur la défensive. Après deux victoires probantes du gouvernement lors de référendums en 2008 (68% et 62%), le chef de l'Etat apparaît comme le grand favori à sa réélection en décembre