
Les Indiens organisent la lutte pour leurs droits
La pression – agricole, industrielle ou énergétique – sur la terre menace les zones indigènes. Partout sur le continent latino-américain, la contre-attaque est en cours
Les Indiens d’Amazonie ont remporté une victoire contre Lima. Lundi, le premier ministre, Yehude Simon, a promis l’abrogation des décrets autorisant l’exploitation de leurs terres. Mardi, il a annoncé sa démission. De violents affrontements – 34 morts et 200 blessés – auront cependant été nécessaires pour infléchir le gouvernement, après des mois de mobilisation pacifiste. Si elle y est la plus spectaculaire, l’offensive indigène est loin de se cantonner au Pérou. Des marches ont récemment été organisées en Colombie, la contestation indienne a également traversé l’Equateur, le Paraguay ou le Chili. Au Brésil, la Cour suprême a validé fin mars les limites d’une réserve aborigène, boutant de ce fait les riziculteurs blancs à l’extérieur d’une zone qu’ils avaient investie illégalement.
Pression de l’agro-industrie
L’enjeu central reste celui de la terre. D’autres problématiques existent – participation politique, défense d’une identité culturelle propre ou accès à l’éducation et au marché du travail, pour ceux qui habitent en ville notamment. Elles sont toutefois secondaires. «Tous les pays d’Amérique latine ont reconnu le droit des indigènes à avoir leurs territoires, avec plus ou moins d’autonomie, mais le poids des grands propriétaires terriens et de divers lobbies fait que ces acquis ne sont guère respectés», note Bruno Clément, responsable des programmes Brésil-Bolivie et Nicaragua pour l’ONG romande E-Changer.
Prospection minière et pétrolière au Pérou, barrages hydroélectriques ou fermes de saumon au Chili, exploitation forestière au Brésil: les «réserves» indiennes regorgent de ressources et suscitent nombre de convoitises, nationales et internationales. «La pression sur la terre augmente, du fait notamment du développement de l’agro-industrie, lui-même lié à l’essor des agrocarburants», confirme Capucine Boidin, maître de conférences à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (Iheal), à Paris. En réponse, les indigènes durcissent le ton.
«La lutte n’est pas nouvelle mais elle est plus politisée, précise Christian Gros, spécialiste de la région. Cela tient à la démocratisation générale du continent et au parcours même des leaders indiens, qui passent désormais par l’université.» En outre, les communautés peuvent s’appuyer sur des textes internationaux pour faire valoir leurs droits. A la convention 169 de l’Organisation internationale du travail, adoptée en 1989, a succédé en 2007 la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.