mercredi, décembre 12, 2007

Chavez essuie sa première défaite électorale

Chavez essuie sa première défaite électorale

Ivan Erhel Caracas

La réforme constitutionnelle du président visant à fonder un Etat socialiste a été rejetée par référendum avec 50,7% de non.

C'en est fini de l'invincibilité électorale d'Hugo Chavez, lui qui a remporté neuf consultations populaires en neuf ans, en augmentant à chaque fois son score, jusqu'à être réélu président l'année dernière avec près de 63% des voix. Jusqu'à 4heures du matin, plusieurs centaines de personnes ont fêté la victoire place Altamira à Caracas, le fief des opposants à Chavez. Carlos, 59 ans, se sent soulagé: «Je suis venu féliciter les étudiants qui, plus que les partis traditionnels, ont mené la bataille pour nous sauver du communisme!» Avec 44% d'abstention, c'est une courte victoire qui ne garantit pas à l'opposition une victoire lors des prochaines élections. Mais pour Lisa, 20 ans, un drapeau noué autour du cou «c'est une victoire historique!»

Malgré quelques incidents sans gravité et quelques entorses aux règles établies par le Conseil national électoral (CNE), notamment de la part des militaires du «Plan République», censés garantir l'impartialité du vote, le scrutin lui-même s'est déroulé de façon normale, dans ce pays où la politique est devenue une seconde nature pour ses habitants.

Dimanche, dès 4heures du matin, des haut-parleurs géants réveillaient les électeurs au son du clairon pour les inciter à aller voter tôt. A 6heures, des queues se formaient devant les bureaux de vote. Malgré les sondages qui donnaient le non vainqueur, les anti-Chavez faisaient part de leur pessimisme, à l'image de Roberto, farouche opposant de 45 ans: «J'espère qu'il n'y aura pas de fraude. Je suis sûr que le monarque va imposer sa décision et que le CNE va prétendre que le oui l'emporte d'une courte tête!»

Du côté des politiques, l'ambiance était plus sereine. Au fil des élections, l'opposition a obtenu des garanties sur la transparence du vote. D'une part, ils ont des témoins à chaque table de chaque bureau de vote, d'autre part, ils ont le droit de vérifier manuellement 56% des votes électroniques. Quelques heures après la fermeture des bureaux vers 17heures, ils avaient donc une idée précise des résultats. Les heures qui suivirent furent quelque peu surnaturelles. Tout le monde pouvait voir les mines déconfites des partisans du président Chavez et les mines radieuses des opposants, sans pour autant pouvoir affirmer que le non l'avait emporté. A minuit, Ismaël Garcia, président du parti Podémos, proche du gouvernement mais qui s'est opposé à la réforme, a exigé que le CNE révèle ce que tout le monde savait sans pouvoir le révéler. La tension a été à son maximum une demi-heure plus tard lorsque les observateurs de l'opposition ont été expulsés manu militari du CNE. Tout le monde a alors cru qu'une fraude magistrale se préparait, et les tenants du non ont appelé leurs partisans à «descendre dans la rue défendre leur vote».

mardi, décembre 11, 2007

«Le non au référendum n'est pas un rejet de la Révolution»

   BENITO PEREZ    

SolidaritéVENEZUELA - De passage en Suisse, Maurice Lemoine a analysé les causes du premier échec de Chávez dans les urnes. 
L'échec de la réforme constitutionnelle1 au Venezuela marque-t-elle le déclin de la Révolution? Le Comité bolivarien de Suisse a fait salle comble mercredi 5 décembre, à Genève, où une centaine de personnes s'étaient données rendez-vous pour écouter Maurice Lemoine, trois jours à peine après la première défaite électorale d'Hugo Chávez. Un revers qui a «surpris» le rédacteur en chef du Monde diplomatique, mais que cet analyste réputé de l'Amérique latine interprète comme une demande de «pause dans le processus révolutionnaire» et non comme un désaveu du gouvernement. 
Livrant une analyse à chaud «qu'il conviendra de confirmer par une enquête de terrain», M. Lemoine estime que la réforme constitutionnelle a été victime du double impératif contradictoire inhérent à une révolution démocratique. Nécessité, d'une part, d'accélérer les changements structurels –«on ne peut mobiliser un peuple durant quarante ans»– et, d'autre part, de persuader la majorité de suivre un modèle socialiste encore en phase de définition. Une pédagogie qui exige du temps et de la patience, pas toujours en phase avec les urgences révolutionnaires. 
Paradoxalement, Maurice Lemoine perçoit ce modèle de pédagogie politique dans l'émission télévisée hebdomadaire «Aló Presidente!», qui permet depuis des années à Hugo Chávez d'expliquer les principes et les normes contenus dans la Constitution bolivarienne en vigueur depuis 1999. «Les Vénézuéliens la connaissent désormais par coeur et ils y sont très attachés», assure M. Lemoine. Du coup, toucher à la bicha –surnom donné par les Vénézuéliens à leur Constitution– n'était pas un acte anodin. Selon l'analyste, certains partisans de Chávez auraient vu d'un mauvais oeil la modification de cet élément central de la Révolution par «des dispositions parfois très complexes, voire embrouillées». Ainsi la dénommée «nouvelle géographie du pouvoir», qui devait permettre à l'exécutif de créer de nouvelles entités régionales sans dissoudre les anciennes. «Je ne suis pas plus bête qu'un autre mais moi-même je n'ai pas compris certains passages de la réforme...», admet le journaliste. En ce sens, M. Lemoine relève la responsabilité du Parlement qui a ajouté une trentaine de nouveaux articles à ceux prévus à l'origine par le président, rendant encore moins lisible la réforme. «Le pouvoir a oublié que les Vénézuéliens ne se mobilisent que sur des choses concrètes», remarque l'analyste. Du coup, si l'opposition n'a eu aucun mal à faire le plein des voix anti-Chávez, une partie des électeurs du président se sont, eux, réfugiés dans l'abstention... 
Ces erreurs stratégiques, le rédacteur du Diplo les attribue en partie à la «personnalité écrasante» du chef de l'Etat. «Chávez a acquis une telle dimension qu'il n'est plus entouré que de courtisans. Personne n'ose lui tenir tête», juge-t-il. A cela s'ajoute le mécontentement d'une partie de la base face à la bureaucratie du Parti socialiste unifié (PSUV), mais aussi face à la corruption. Une plaie endémique que la croissance des services publics rend «encore plus dangereuse», analyse M. Lemoine. 
En définitive, le journaliste estime que la défaite du 2 décembre pourrait se révéler positive, si elle rendait le pouvoir «moins euphorique» et surtout «moins arrogant». «Hugo Chávez manque de culture du dialogue. Qualifier de traîtres tout ceux qui critiquaient la réforme n'a pas aidé.» Cela dit, M. Lemoine juge «normale» la cassure entre Chávez et certains de ses alliés historiques, comme le général Baduel ou les centristes de Podemos, «prix de la radicalisation du processus.» Pour être réellement salutaire, ce «coup d'arrêt» devrait désormais être mis à profit pour «solidifier les acquis»: «Beaucoup de Vénézuéliens ont le sentiment que les réformes sont menées de façon brouillonne, qu'une certaine désorganisation persiste. Ils se sont peut-être dit qu'il fallait améliorer l'existant avant de passer à une autre phase.» Maurice Lemoine prend l'exemple des Mercals, ces magasins subventionnés appréciés des plus pauvres, mais dont les étals ne sont pas toujours garnis, car leurs fournisseurs préférent vendre aux plus offrants... A l'instar de ces chavistes sceptiques devant la réforme, le journaliste français pense que plusieurs des propositions d'Hugo Chávez trouveraient mieux leur place dans de simples lois. Ainsi la baisse de la durée du travail ou le rattachement de la Banque centrale à l'exécutif. «Je n'ai aucune inquiétude sur la poursuite du processus», glisse M. Lemoine. «Les Vénézuéliens n'ont pas renoncé à la Révolution, même si certains ont jugé qu'un temps de réflexion était nécessaire.» 
Une analyse, semble-t-il, partagée par Chávez lui-même. Au soir du vote, le président a admis que ses compatriotes n'étaient «pas encore mûrs» pour le socialisme. Tout en glissant un «por ahora» («pour l'instant») très symbolique, puisqu'il paraphrase son discours prononcé après l'échec de la révolte militaire de 19922. En guise d'avertissement: Hugo Chávez ne renonce jamais! 
Note : 1 Les deux blocs constitutionnels proposés ont été rejetés par 50,65% et 51,01% des voix. 
2 «Lamentablemente, por ahora, los objetivos que nos planteamos no fueron logrados en la ciudad capital» («Malheureusement, pour l'instant, les objectifs (militaires, ndlr) que nous nous étions fixés n'ont pas été atteints dans la capitale»), avait-il déclaré à la télévision pour demander aux autres insurgés de rendre les armes. Cette intervention avait lancé sa popularité et conduit à son élection six ans plus tard.


mardi, décembre 04, 2007

Penser l'après Chavez

Venezuela: penser l'après-Chávez

Paru le Mardi 04 Décembre 2007 
   BENITO PEREZ    

International
Pari perdu pour Hugo Chávez. La réforme constitutionnelle voulue par le président vénézuélien a été rejetée dimanche de justesse par le peuple. Le choc est rude, après neuf années de faciles victoires électorales. A peine un an après sa réélection jusqu'en janvier 2013, Hugo Chávez avait choisi de rejouer son va-tout dans les urnes. Disposant d'une écrasante majorité au Parlement, le président aurait pu avancer gentiment – de loi en loi – vers son modèle de socialisme démocratique «du XXIe siècle». Mais s'attendre à une telle stratégie, c'était méconnaître le personnage, ses ambitions politiques et l'idée qu'il se fait d'une fonction présidentielle organiquement liée au peuple. Dans un vaste «paquet» constitutionnel, Hugo Chávez avait rassemblé une série de mesures qui visaient autant à institutionnaliser son bilan passé («Missions»[1], nationalisations, coopérativisme) qu'à mener de nouveaux projets ambitieux, tels que l'instauration d'une protection sociale universelle ou l'obligation pour l'Etat d'assurer la sécurité alimentaire. La réforme prévoyait en outre de diffuser le pouvoir à la base – les Conseils communaux participatifs – et, parallèlement, de renforcer les prérogatives de l'exécutif national. Habitués aux référendums, les Suisses savent à quel point l'élaboration de ce type de «paquet ficelé» est périlleuse. Additionnant les oppositions sectorielles à celles de la droite, la réforme proposée par Hugo Chávez a également suscité des doutes chez certains de ses électeurs habituels. La hausse de l'abstention (44%, contre 25% en 2006) témoignerait de ce scepticisme face aux nouveaux pouvoirs qui devaient être conférés au chef de l'Etat ainsi qu'à sa possible réélection jusqu'en 2020. De ce point de vue, l'échec de dimanche pourrait paradoxalement offrir une nouvelle dynamique au camp bolivarien. A moins qu'elle ne s'entête à instaurer la réélection illimitée, la gauche vénézuélienne est appelée à se réinventer hors de sa figure tutélaire. Les difficultés ne manqueront pas, dont le risque de voir les cinq dernières années du mandat d'Hugo Chávez tourner à la guerre de succession, mais l'enjeu en vaut la peine. L'autre crainte serait de voir un gouvernement, apeuré par l'échec, geler les projets les plus radicaux de sa réforme constitutionnelle. S'ils devaient être réactivés, le passage à la journée de travail de six heures ou l'expropriation des grandes propriétés terriennes, par exemple, se heurteront à une opposition requinquée et à la difficulté de «lire» la volonté populaire derrière le rejet du «paquet» constitutionnel... Mais, là aussi, la prise de risque est nécessaire: toute stagnation du processus bolivarien signifierait un recul de l'espoir populaire qui le porte. La mission n'est de loin pas impossible. Car si elle a remporté sa première victoire dans les urnes, l'opposition vénézuélienne en sort paradoxalement affaiblie. Son principal fonds de commerce est plus qu'entamé: qui pourra encore décemment croire qu'un président élu démocratiquement qui reconnaît une défaite électorale est un dictateur? 
Note : [1] Affectation des revenus pétroliers à des projets sociaux, éducatifs et sanitaires.

lundi, décembre 03, 2007

VENEZUELA. Chávez à vie? C'est non

VENEZUELA. Chávez à vie? C'est non

Le président vénézuélien a immédiatement reconnu le rejet par les électeurs de la réforme constitutionnelle qui devait lui donner encore plus de pouvoirs. La presse d'opposition se réjouit de cette première défaite en neuf ans de pouvoir.